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clare. Combien ceux qu’on regarde comme les auteurs de la guerre sont entraînés par les circonstances !

» La guerre est divine par ses résultats, qui échappent absolument aux spéculations des hommes. »


Ainsi parle de Maistre, le grand théosophe, plus profond mille fois dans sa théosophie que les soi-disant rationalistes que sa parole scandalise. De Maistre le premier, faisant de la guerre une sorte de manifestation des volontés du Ciel, et précisément parce qu’il avoue n’y rien comprendre, a montré qu’il y comprenait quelque chose.

La même conscience qui produit la religion et la justice produisant aussi la guerre ; la même ferveur, la même spontanéité d’enthousiasme qui anime les prophètes et les justiciers, emportant les héros : voilà ce qui constitue le caractère de divinité de la guerre.

Et maintenant ce mystère, vraiment unique, d’une conscience où le droit, la piété et le meurtre s’unissent dans une fraternelle étreinte, pouvons-nous l’expliquer ? Si oui, la guerre cesse d’être divine ; bien plus, en perdant sa divinité, elle touche à sa fin. Au contraire, cet effroyable mythe en action est-il impénétrable ? La guerre, je ne crains pas de le dire, est éternelle.

Salut à la guerre ! C’est par elle que l’homme, à peine sorti de la boue qui lui servit de matrice, se pose dans sa majesté et dans sa vaillance ; c’est sur le corps d’un ennemi abattu qu’il fait son premier rêve de gloire et d’immortalité. Ce sang versé à flots, ces carnages fratricides, font horreur à notre philanthropie. J’ai peur que cette mollesse n’annonce le refroidissement de notre vertu. Soutenir une grande cause dans un combat héroïque, où l’honorabilité des combattants et la présomption du droit sont égales, et au risque de donner ou recevoir la mort, qu’y a t-il là de si terrible ? Qu’y a-t-il surtout d’immoral ? La