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siècles, hors d’état de le découvrir, a pris le parti de le nier. Elle pose comme axiome, cette jurisprudence d’ailleurs si estimable, si digne de reconnaissance, que la guerre, chez l’une au moins des parties belligérantes, est nécessairement injuste, attendu, dit-elle, que le blanc et le noir ne peuvent être justes en même temps. Puis, à la faveur de cet axiome, elle assimile les faits de guerre, partie à des actes de brigandage, partie aux moyens de contrainte qu’autorise, contre le malfaiteur et le débiteur de mauvaise foi, la loi civile. En sorte que le guerrier, selon que la cause qu’il sert est juste ou injuste, doit être logiquement réputé un héros ou un scélérat. Or, je soutiens et je prouverai que c’est là une théorie gratuite, hautement démentie par les faits, et dont nous démontrerons la dangereuse et profonde immoralité. La guerre, comme on verra, la vraie guerre, par sa nature, par son idée, par ses motifs, par son but avoué, par la tendance éminemment juridique de ses formes, non-seulement n’est pas plus injuste d’un côté que de l’autre, elle est, des deux parts et nécessairement, juste, vertueuse, morale, sainte, ce qui fait d’elle un phénomène d’ordre divin, je dirai même miraculeux, et l’élève à la hauteur d’une religion.


« La guerre est divine en elle-même, dit de Maistre, parce qu’elle est une loi du monde.

» La guerre est divine dans la gloire mystérieuse qui l’environne, et dans l’attrait non moins inexplicable qui nous y porte.

» La guerre est divine dans la protection accordée aux grands capitaines, même aux plus hasardeux, qui sont rarement frappés dans les combats, et seulement lorsque leur renommée ne peut plus s’accroître, et que leur mission est finie.

» La guerre est divine par la manière dont elle se dé-