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CHAPITRE PREMIER.


DE LA PHÉNOMÉNALITÉ DE LA GUERRE.


Je ne pense pas qu’aucun de mes lecteurs ait besoin que je lui dise ce que c’est, physiquement ou empiriquement parlant, que la guerre. Tout le monde en possède une idée quelconque : les uns pour en avoir été témoins, d’autres pour en avoir lu mainte relation, bon nombre pour l’avoir faite. Nous partirons de là.

Ce que l’on ne connaît pas, à beaucoup près, aussi bien, et sur ce point j’ose dire que militaires, historiens, légistes et publicistes partagent l’ignorance commune, c’est la nature, essentiellement juridique, de la guerre ; c’est sa phénoménalité morale, son idée ; c’est par conséquent le rôle, positif autant que légitime, qu’elle joue dans la constitution de l’humanité, dans ses manifestations religieuses, dans le développement de la pensée civilisatrice, dans la vertu et jusque dans la félicité des nations. Ce que nous savons de la guerre se réduit, à très-peu près, aux faits et gestes extérieurs, à la mise en scène, au bruit des batailles, à l’écrasement des victimes. Les plus diligents étudient la stratégie et la tactique ; d’autres s’oc-