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Mais ce serait en même temps remettre en question ce que la guerre est censée avoir irrévocablement décidé, à savoir la formation des États par l’incorporation des nationalités ; ce serait, dis-je, créer la contradiction dans le droit des gens, et condamner la politique à faire perpétuellement autant de pas en arrière qu’elle en aurait fait en avant.

Napoléon l’éprouva à son tour, lorsque les alliés, séparant, à son exemple, la cause de l’empereur de celle de la nation, jetèrent la division dans le peuple français, si

    s’impose à tout ce qui tombe dans la sphère de sa juridiction. Appliquons à la campagne de Lombardie ces principes.
      Supposons que, par un accident de terrain, une maladresse des généraux ou toute autre cause, la fortune se fût déclarée contre les alliés à Magenta ; ils auraient demandé leur revanche à Solferino, comme a fait l’empereur François-Joseph. Alors, de deux choses l’une, ou bien les alliés eussent été vainqueurs, ce qui aurait balancé les avantages et nécessité une troisième bataille ; ou bien ils eussent été défaits, et dans ce cas la victoire restant à l’Autriche, il eût été prouvé, non pas que l’Italie n’a pas le droit d’aspirer à l’indépendance, mais qu’elle n’a pas, même réunie à la France, la forcé nécessaire pour l’obtenir ; qu’ainsi l’heure de son émancipation n’est pas arrivée ; en un mot, que Victor-Emmanuel et Napoléon III son allié étaient dans leur tort, puisqu’ils revendiquaient, les armes à la main, contre une possession de quarante-cinq ans et contre la lettre des traités, la prérogative de la force, et qu’ils n’avaient pas la force. L’événement s’est déclaré en sens contraire. Je reproduis le même argument : Les alliés étaient dans leur droit, et la preuve, c’est qu’ils étaient en force. Que l’empereur François-Joseph accuse de son infortune la défection de ses soldats, l’objection est puérile et tourne contre lui. Comment l’Autriche prétendrait-elle à la domination de l’Italie, si elle n’est pas même assurée de ses propres troupes, si elle ne peut compter sur ses propres sujets ? C’est en vain que, pour réfuter cette raison souveraine de la victoire, vous essayez, à force de si, de mais, de la faire passer à droite ou à gauche : pourvu qu’elle reste l’expression des forces, elle est infaillible. Que demain les Italiens, par hypothèse, désertent Victor-Emmanuel, rappellent l’Empereur et le Pape, qu’en conséquence, l’Autrichien revient en en force et écrase le Piémontais, la victoire ne fera que proclamer une fois de plus cette triste vérité : Il n’y a point d’Italie, car en Italie il n’y a point de force véritable.