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On voit combien la réhabilitation du droit de la force, je dirai même, combien la restauration de la guerre dans son principe et sa dignité, change la face des choses. Ce n’est pas une vaine sensibilité qui me dicte ces critiques, bien moins encore le regret de tant de richesses perdues ; c’est le sentiment le mieux senti de l’honneur militaire, c’est l’idée du droit la plus sérieuse et la plus vraie.

Je dis aux militaires :

Vous pouvez enlever à une nation son indépendance, dissoudre sa collectivité, changer ses institutions, déplacer sa capitale, déclarer sa dynastie déchue. Vous pouvez mettre garnison dans ses places, vous établir dans ses ports, incorporer ses soldats dans vos régiments, réunir son budget au budget de votre propre pays, exercer chez elle, en un mot, tous les actes de souveraineté. Vous ne pouvez pas frapper, ailleurs que sur le champ de bataille et pendant la bataille, si ce n’est pour crime de droit commun, un seul de ses citoyens ; vous ne pouvez pas vivre aux dépens de ceux dont vous vous êtes rendus maîtres ; vous ne pouvez pas en exiger, sans le payer, le moindre service. Tel est le droit de la guerre. Vous êtes les magistrats de la force ; prenez garde, si vous abusez de la force, de n’être que des prévaricateurs.

Mais tel est l’esprit dans lequel, depuis un temps immémorial, ont été entretenues les armées, qu’il est à craindre que rien ne les fasse de longtemps revenir de leurs absurdes et déshonorantes routines. En vain dites-vous que le système de la maraude et des réquisitions donne à la guerre un caractère de brigandage incompatible avec la civilisation et la politique, avec la notion même de la guerre, que c’est faire des décisions de la force une course à la pille, où l’avantage est pour le plus lâche et le plus scélérat. On vous répond : Votre remarque est juste ; mais, A la guerre comme à la guerre !… Vous observez que les