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Imprimer la terreur, dit Grotius, est de droit à la guerre ; exterminer une population, c’est chose fort triste, mais qui peut être permise, si elle parait indispensable à la sûreté de l’armée. Bonaparte usa plus d’une fois de la rigueur de ce vieux code dans sa première expédition d’Italie ; et le général Jomini, dont l’humanité se soulève à l’aspect de ces fusillades, les excuse cependant par cette considération que le salut de l’armée est pour un général la loi suprême. Mais, sans rappeler ce qui a été observé au chapitre précédent, que Bonaparte, avec ses 33,000 hommes, n’était pas en force, et que ses victoires, dues surtout à la tactique, ne pouvaient imposer aux Italiens, je répliquerai ici que le salut même de l’armée ne saurait justifier de pareils excès. La guerre, comme le duel, est la lutte du courage et de la force, et ce n’est pas lutter que de se faire une litière d’innocents. Il y a évidemment ici, dans les idées du légiste comme dans celles du guerrier, une lacune. Ne parlons plus, de grâce, du droit de la guerre ; c’est tout simplement une course de sauvages contre sauvages, où ni la politique, ni la justice, ni la force elle-même n’ont rien à voir.

Entre deux armées en présence et qui vont se joindre, je comprends l’abatis de quelques maisons, d’un bouquet d’arbres, le comblement d’un fossé, la suppression des obstacles qui gênent la lutte : la destruction ici est faite en vue de la bataille. C’est la justice même de la guerre qui la commande. Mais la dévastation en grand, sans autre but que de ruiner l’ennemi, je ne puis l’admettre, alors même qu’elle serait une représaille. Ce n’est pas de la guerre, c’est de la férocité.

Ici je réclame, et j’en ai le droit, une définition de ce qui est utile à la guerre en fait de destruction, et de ce qui ne l’est pas. J’ai donné le principe, qui est le droit de la force ; j’attends la règle. Aussi bien, remar-