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mée sur un champ de bataille ; et la France était attaquée chez elle. C’est, en second lieu, que, si cette force supérieure existe, toutes les ressources de la tactique sont inutiles ; tôt ou tard il faudra que la nation envahie affronte la masse de ses envahisseurs, dont les échecs partiels seront ainsi réparés d’un seul coup. Jusqu’à la prise de Soissons les alliés, arrivant par plusieurs routes, forcés de se diviser, marchant à tâtons dans un pays hostile, semblaient une meute attaquant un tigre dans un fourré. Tous les avantages de la position étaient pour l’empereur, invisible, surprenant à chaque instant ses ennemis séparés, frappant à gauche, à droite, en avant, en arrière, des coups meurtriers. Mais les armées alliées ayant enfin opéré leur jonction, le redoutable chef n’osa plus se mesurer avec elles ; il dut se résigner à prendre position sur leurs derrières, espérant les ramener dans son terrible échiquier, et, par cette manœuvre, leur livra la capitale. Tous ses trophées se trouvaient anéantis ; c’était du sang inutilement versé et du temps perdu.

Devant cette consécration éclatante des lois rationnelles de la guerre, devant cette impuissance de l’art de suppléer entièrement la force, nous sommes donc fondés à soutenir que si l’intelligence, si toutes les facultés morales d’un peuple ont leur rôle à la guerre, ce ne peut être qu’à titre de directrices de la force, et nullement en vue de la remplacer ; qu’il faut par conséquent se défier des victoires rapides, des conquêtes faciles, des incorporations improvisées ; par-dessus tout, que toute violence qui s’écarte du caractère d’une lutte généreuse, tout ce qui tendrait à substituer les horreurs d’une extermination sans combat et les massacres de l’embuscade au duel régulier des forces en conflit, doit être réprouvé.

Quelles sont, en conséquence, les définitions et les règles à imposer, à ce premier point de vue, aux gens de guerre,