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parativement à la qualité du soldat romain. Enfin, l’avantage du nombre est encore à Rome. Il semble donc qu’Annibal n’entrât en Italie que pour y trouver son tombeau. Cependant, grâce à l’habileté de sa tactique, à son activité merveilleuse, grâce à l’ineptie des généraux romains, d’un Sempronius, d’un Flaminius, d’un Varron, il remporte quatre grandes victoires, sur le Tésin, à la Trébie, auprès du lac Trasimène, à Cannes, et pendant dix-sept ans, sans secours d’hommes ni d’argent, il se soutient en Italie. Rome était ainsi punie de l’incapacité de ses chefs et des mauvaises élections de sa plèbe. Mais la force n’en était pas moins de son côté. Elle le fit voir, d’abord en contenant Annibal pendant un an, après la défaite du Trasimène, sous la conduite du temporiseur Fabius ; puis, après le désastre de Cannes, en ce qu’Annibal ne put pas même entreprendre le siége de la ville ; plus tard, en ce que Rome, ayant contre elle le monde entier soulevé par Carthage, soutient la guerre en Espagne, en Italie, en Sicile, partout, et finit par la porter en Afrique. On vit alors ce que c’est que la vraie force, pour peu qu’elle soit conduite avec intelligence. Annibal en Italie, escorté de ses quatre grandes victoires, n’avait pu réduire Rome ; une seule bataille gagnée par Scipion le Jeune sur Annibal, à Zama, eut raison de Carthage, et décida du sort de l’Afrique entière. Et pourtant, à cette bataille même Annibal s’était, comme l’on dit, surpassé ; malheureusement pour sa patrie, il ne pouvait faire que ce ramassis d’étrangers soutînt éternellement le choc des légions de Rome.

Cette observation sur les conditions de la lutte des États et les causes qui déterminèrent la chute du premier empire est d’une telle importance que je ne puis m’empêcher de m’y arrêter encore.

Nous venons de voir le général Jomini nous livrer en quelques lignes, mais sans qu’il se soit rendu compte de la