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pitoyablement bannis, c’est surtout des opérations militaires. Quelles seront donc, d’après ces règles du droit guerrier, les règles de la tactique guerrière ? Voilà ce que je demande.

Pour convaincre le lecteur de la légitimité de la question que je pose, et surtout de la vérité de ce principe, contraire à l’opinion généralement répandue, qu’à la guerre c’est surtout la force, physique et morale, qui doit vaincre ; que l’habileté du tacticien et du stratége ne doit paraître qu’en seconde ligne, et seulement comme directrice des forces ; à plus forte raison, que toute espèce d’astuce et de sophisme doit en être scrupuleusement écartée, à peine de nullité de la victoire, je vais citer l’exemple d’un capitaine auquel on eut rarement à reprocher de félonie dans ses opérations, mais qui porta la stratégie et la tactique à un si haut degré de précision, leur donna un tel caractère d’intellectualité, que les forces ennemies perdaient avec lui la moitié de leur valeur, et que les généraux ennemis étaient vaincus avant même d’avoir tiré un coup de canon. Ce capitaine est Napoléon.

Le général Jomini, après avoir raconté avec l’admiration d’un soldat la campagne d’Italie de 1796-1797, ramené à la réalité par l’état de choses en présence duquel il écrivait, laisse échapper cet aveu :


« Les causes générales décident du destin des empires, et donnent aux victoires des résultats plus ou moins importants. »


Les causes générales, entendez-vous ? dominent la science du stratége, et donnent à ses victoires leur résultat vrai, en les confirmant ou les annulant. Et quelles sont ces causes générales contre lesquelles la victoire elle-même est impuissante ?