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rage, les manœuvres au nombre et à la masse. Chose dont on a droit d’être surpris, qui ne sera pas la moindre des contradictions que nous aurons à relever dans les opérations militaires, la guerre est la revendication et l’exercice du droit de la force, et il semble, par la manière dont on s’y comporte, que l’on n’ait d’autre but que de déjouer la force, d’empêcher son triomphe et de se soustraire à sa raison.

Afin qu’on ne me reproche pas à moi-même d’user de surprise, j’avertis le lecteur que la discussion dans laquelle je vais entrer ne tend à rien de moins qu’à renouveler de fond en comble la stratégie et la tactique, en réclamant, au nom du droit de la force, et pour l’honneur même des armes, une distinction plus exacte des choses qui sont licites à la guerre et de celles qui doivent être réputées illicites, par suite, une détermination législative des mouvements. De telles distinctions et déterminations ne sont pas faciles, je le reconnais : mais en quoi donc les distinctions sont-elles faciles ? Qui distingue définit : or, dit la logique, toute définition est sujette à caution, omnis definitio periculosa. La guerre n’est pas en ceci plus mal traitée que le droit, la philosophie, l’histoire naturelle et toutes les sciences. Bien loin que l’homme de guerre s’impatiente de ces précautions, son amour-propre doit en tirer gloire.

Je reviens donc à ma question : Quelle doit être, d’après le droit de la guerre, la règle générale de la tactique ? Dans quelle mesure est-il permis de suppléer à la force par l’art, et que faut-il penser des surprises et stratagèmes ?

De prime abord, il semble que la guerre étant le jugement de la force, tout ce qui s’éloigne des voies de la force pure doive être écarté. Mais la question est plus complexe qu’il ne paraît. Dans un État, puissance collective, l’in-