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Car il ne s’agit pas seulement pour le demandeur d’être le plus fort, il faut qu’il soit en état de forcer l’ennemi chez lui, dans son fort, dans la plénitude de ses ressources : ce qui exige un effort bien supérieur à celui d’une simple bataille. Dans tous les cas, et quelle que soit l’arme choisie, le terrain adopté, le mode du combat, il est de toute évidence que des règles d’honneur doivent être imposées, faute de quoi la guerre ne serait plus un acte juridique ; elle dégénérerait en brigandage. Ce ne serait plus de valeur que les parties feraient assaut, ce serait de lâcheté. Dans de telles conditions, la guerre deviendrait nulle ; elle se réduirait à une extermination. La victoire déshonorée n’aurait de garantie que dans le massacre ; le vainqueur, condamné à la destruction totale du vaincu, n’aurait accompli qu’une œuvre d’infamie et d’impuissance.

Toute infraction aux lois de la procédure guerrière sera punie, soit par la réaction de la force, soit par la déchéance qui tôt ou tard frappe le coupable. La destruction des royaumes du Pérou et du Mexique par les Espagnols, de même que l’expulsion des Juifs et des Maures, ces immenses assassinats suivis de si odieuses spoliations, hâtant la corruption du peuple espagnol, furent certainement la cause la plus active de sa décadence. Depuis trois siècles, l’Espagne, tombant d’un cran à chaque règne, expie l’horreur de ses guerres et l’irrégularité de ses conquêtes. La Saint-Barthélemy et les Dragonnades avaient mis la France sur la même pente et lui auraient fait éprouver le même sort, si elle ne s’était relevée à la fin par la philosophie du dix-huitième siècle et par la Révolution. Après la révolution de février, la guerre s’allume, pour le travail et le salaire, entre les deux grandes fractions du peuple, la bourgeoisie et le salariat. La force décide que la question sociale n’est pas mûre, que la classe travailleuse est encore trop brute, bref, qu’il n’y a lieu, pour le moment, de faire