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tant, au fond, la seule rationnelle, la seule honorable, la seule légitime. Au peuple le plus fort, au plus vivace, à celui qui, par le travail, le génie, l’organisation du pouvoir, la pratique du droit, possède à un degré supérieur la capacité politique, à celui-là le commandement. Car la force, dans un peuple, ne s’entend pas seulement du nombre des hommes et de la vigueur de leurs muscles ; elle comprend aussi les facultés de l’âme, le courage, la vertu, la discipline, la richesse acquise, la puissance de production. La formation des grands États, inévitable à un moment donné de l’histoire, l’honneur de les nommer, d’en fournir les éléments constitutifs, tout cela est le privilége de la force. Adjuger l’autorité au plus faible serait plus qu’une injustice, ce serait une folie. Or, comment distinguer le fort du faible, si ce n’est par un combat dans lequel les parties contendantes auront à déployer tout ce qu’elles possèdent d’énergie physique et morale, d’intelligence, de vertu civique, de patriotisme, de science acquise, de génie industriel, de poésie même ? Car c’est de toutes ces choses, encore une fois, que se compose la force des nations, et la guerre en est la montre.

C’est ainsi, et nous ne saurions assez le redire, que dans la question la plus grave qui puisse agiter une âme d’homme, celle de savoir lequel, de deux peuples que la nécessité condamne à se fondre, obtiendra le commandement, la raison du plus fort, tant décriée depuis Ésope, est positivement la meilleure. La guerre est un jugement ; comme telle, elle doit procéder avec toute la circonspection, toutes les formalités et garanties de la justice. La logique le veut, l’instinct des nations le déclare. Tous les hommes de guerre et les hommes d’état, tous les historiens et jurisconsultes en conviennent, quand ils reconnaissent, à l’unanimité, que la guerre doit être précédée, de la part de l’agresseur, d’un exposé de motifs et d’une