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donc de la plus haute importance. Pour nous en faire une juste idée, rappelons-nous ce qui se passe dans le duel.

Le duel, odieux, absurde même dans la plupart des cas, et pour cette raison justement déconsidéré, le duel a droit à notre suffrage cependant, lorsque nous voyons un homme de cœur, après avoir reçu une mortelle injure, pour laquelle la justice ordinaire est sans réparation, renoncer à la vengeance, et offrir généreusement à son adversaire le combat. Il est des offenses qui tuent moralement leur homme si elles restent impunies, et qui cependant ne peuvent se réparer par la voie des tribunaux. Or, si nous admettons que l’homme possède de son fonds la justice, que par conséquent il tienne de sa dignité le droit de justice, comme le seigneur du moyen âge, il faut admettre, dans le cas donné, que le moins qu’on puisse lui accorder est le droit de défier son offenseur et de se battre contre lui. La conscience universelle, plus puissante que la police des rois et la sagesse des juristes, le dit ; et c’est parce que la conscience universelle le dit, que des règles sont imposées au duel, et que le meurtre commis par le duelliste est excusable.

Dans le duel, on convient du lieu, de l’heure, des armes ; on prend des témoins ; on égalise les chances ; on interdit aux combattants la perfidie, les surprises, sévices et outrages. Du moment qu’ils sont en présence, ils se deviennent l’un à l’autre respectables : on ne leur laisse à chacun, autant que possible, d’autres avantages que ceux qu’ils tiennent de leur énergie naturelle et de la conscience de leur droit. Puis, ces conditions remplies, sous l’œil vigilant des témoins, le signal est donné… Les choses se sont passées avec loyauté : tout est dit. Le vainqueur ne se permettra pas une réflexion blessante, pas un mot d’invective ; il ne touchera pas au vaincu, mort ou blessé ; il regardera comme sacrés pour lui sa personne, son cadavre, sa mé-