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Redisons-le donc en nous résumant. La force, par elle-même, ne connaît pas des doctrines. Mais dès que les doctrines, plus ou moins plausibles, admises par un certain nombre d’esprits, appuyées par certaines masses d’intérêts, tendent à passer de la théorie à l’application, et conséquemment à évincer d’autres doctrines, d’autres intérêts, la question se trouve naturellement portée, pour ce qui concerne les états, au tribunal de la force. Et cette juridiction ne saurait être déclinée. Des idées qui ne savent combattre, qui répugnent à la guerre, et que fait fuir l’éclair de la baïonnette, ne sont pas faites pour diriger les sociétés ; des hommes qui ne savent mourir pour leurs idées ne sont pas faits pour le gouvernement ; une nation qui refuserait de s’armer, qui, contre ses dominateurs, ne saurait employer que la grimace, serait indigne de l’autonomie. Le droit des nationalités n’existe qu’à ce titre : la force le crée, et la victoire lui donne la sanction. Les chances du roi de Naples se sont relevées de moitié depuis qu’il a fait acte de guerre ; il s’est sacré lui-même par son courage. Quoi qu’il advienne, l’Italie n’aura pas à rougir de ses rois. Le Pape seul est impossible.

Résumons-nous sur ces deux premiers chapitres.

En principe, la formation de l’humanité par états indé-

    faction qui, sous prétexte de constituer la patrie européenne, non contente d’abandonner l’empereur Napoléon, livrerait la France au czar ? Ce qui se passe à Naples est, sur une moindre échelle, exactement la même chose. Certes, je le répète, la cause de Victor-Emmanuel peut très-bien se défendre contre François II, mais par des Piémontais, des Toscans peut-être, des Romagnols encore, non par des Napolitains. Il se peut que le sacrifice de l’état napolitain, de la nationalité napolitaine soit exigé pour le salut et le progrès de l’Italie entière : mais, puisque le souverain faisait un effort, c’était le cas pour le citoyen de le soutenir, de mourir pour la patrie, à peine d’un éternel déshonneur. Voilà la loi de la guerre, et voila sa morale. Elle vaut certes bien, cette morale, l’affreux dévergondage dans lequel certains journaux entretiennent le peuple français.