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de la veille, mais à qui un nouveau traité a assuré la moitié de ses possessions en Italie ; c’est la France elle-même, qui peut voir à regret tourner contre elle la force qu’elle a si bien servie ; ce sont les catholiques, ennemis de la révolution ; ce seront bientôt les démocrates socialistes, qui de plus en plus se prononcent contre la centralisation politique et le constitutionnalisme bourgeois ; ce sont tous les souverains, qui s’indignent de voir traiter avec ce sans-façon l’un de leurs collègues, et qui en appellent à la pudeur publique, au respect des princes et des États, en attendant qu’ils recourent à la force.

En deux mots, pour que l’idée de l’unité italienne triomphe définitivement, il faut que le roi Victor-Emmanuel se concilie la force, non-seulement en Italie, mais par toute l’Europe. Sans cela, il reste insuffisant, et toutes ses victoires et conquêtes peuvent se changer pour lui en une amère déception. Les Français restent à Rome, les Autrichiens à Vérone ; l’Angleterre, la Russie, l’Allemagne lui retirent leurs sympathies. Qu’il tente un mouvement, il est perdu, et la pauvre Italie le suit dans sa chute. Tout ce que le gouvernement de Turin a à faire, en supposant qu’il vienne à bout de s’assimiler les Deux-Siciles, c’est d’abord d’organiser les forces italiennes, afin de prévenir tout retour de l’étranger, puis de conquérir au système de l’unification de la Péninsule et des îles adjacentes des suffrages partout. Ceci est l’affaire de M. de Cavour, beaucoup plus épineuse que celle de Garibaldi[1].

  1. A propos de la guerre entre les rois de Piémont et de Naples, il s’est passé une chose honteuse dans la presse soi-disant démocratique et patriotique de France. La manie d’unité y est poussée si loin, et la haine contre la maison de Bourbon si aveugle, qu’on a affecté de donner le nom de Bourboniens aux défenseurs de François II. Ou n’a pas voulu voir que ces Bourboniens étaient les seuls patriotes qui restassent dans le royaume de Naples, que tout le reste, en trahissant François II, s’était vendu et avait vendu son pays à l’étranger. Que dirait-on à Paris d’une