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premier signe de déveine. Nous avons lu de longues et volumineuses histoires toutes pleines de ces pauvretés. Faut-il donc un si grand effort de bon sens pour comprendre, les faits sous les yeux, que ce qui détermine la dégringolade des conquérants, c’est tout simplement que lorsqu’ils s’imaginent, en raison des batailles gagnées, être parvenus au comble de la puissance, ils ont atteint en réalité le dernier degré de faiblesse ? Pour un pays comme la France, c’était une entreprise qui exigeait la durée de plusieurs générations de s’incorporer et s’assimiler les provinces comprises entre ses frontières de 1790 et le cours du Rhin. Napoléon n’y allait pas avec cette lenteur. Dans la voie où il était entré après Marengo et Hohenlinden, il était condamné à conquérir sans cesse, c’est-à-dire à lutter contre des ennemis toujours plus nombreux, à se donner des sujets toujours plus insoumis, à s’affaiblir en profondeur de tout ce qu’il gagnait en superficie, à s’exposer à des risques toujours plus grands. Quelles que fussent son habileté et la maladresse de ses ennemis, le jour devait venir où, toutes les chances étant contre lui, son empire s’écroulerait comme un château de cartes, et où il serait mystifié par sa propre chimère.

Je reviendrai plus bas, à propos de la tactique, sur les causes de la formation et de la chute si rapides du premier empire. Je n’ai voulu citer ici, à l’appui de la loi, que le fait même.