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tion ? Nul. Réciproquement, qu’ont produit les campagnes et toutes les interminables victoires de Napoléon ? Rien. D’un côté, la France, dans les limites que lui avaient données ses rois, devait opérer sa révolution, et nulle puissance n’avait le droit, n’était capable, par conséquent, de l’en empêcher. D’autre part, la France révolutionnée devait servir au continent d’initiatrice, ouvrir aux nations, par son exemple, la carrière des libertés, ce qui excluait de sa part toute conquête. Vingt succès pour un revers, s’écrient avec orgueil nos historiens militaires. Sans doute ; mais le revers, arrivant le dernier, annule tout ce qui l’a précédé, et décide de la partie. Les guerres de l’Empire ont porté coup, en tant qu’elles ont servi la cause de la Révolution et propagé au dehors l’esprit de liberté. Sous ce rapport les victoires de Napoléon n’ont point été inutiles. Son épée a été la verge dont la justice humanitaire s’est servie pour faire marcher les gouvernements et les rois : Reges eos in virga ferrea. Comme moyen de conquête, les batailles impériales n’étaient plus d’aloi.

Voilà pourquoi la France a été à la fin vaincue à Leipzig ; pourquoi toutes ses incorporations se sont tournées contre elles ; pourquoi de toutes ses conquêtes il ne lui en a été laissé aucune, les peuples qu’elle se flattait d’avoir conquis protestant par leur défection contre la domination française, et revendiquant les armes à la main leur nationalité demeurée intacte. Voilà pourquoi, enfin, depuis 1815, la France, ayant eu à faire la guerre, ne l’a faite que pour autrui ; elle n’a rien ou presque rien tiré de ses campagnes d’Espagne, de Grèce, de Belgique, de Crimée, de Rome et de Lombardie. L’adjonction de Nice et de la Savoie a été présentée par le gouvernement impérial comme une rectification de frontière, motivée par l’extension subite du Piémont ; le silence des puissances témoigne assez qu’on n’y saurait voir autre chose. L’Algérie seule est devenue