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l’accepter, l’affirmer, comme bon, efficace, valide et véritable ? Il est beau de savoir mourir pour une grande cause ; mais le sacrifice de tant de vies généreuses serait monstrueux, si la civilisation, si l’humanité n’en devait recueillir le fruit. Que nous dit, à cet égard, l’expérience ?

L’étude philosophique de l’histoire démontre que les agitations humaines, quant à ce qui est de la formation, de la fusion, de la décadence, de la décomposition et de la recomposition des états, obéissent à une direction générale, dont le but est de créer peu à peu l’harmonie et la liberté sur le globe. L’agent ou ministre de cette haute pensée est la guerre.

Les jugements de la guerre sont-ils conformes au plan providentiel, ils deviennent définitifs, et nulle puissance ne les peut abroger. Au contraire, ces jugements sont-ils entachés de fraude, de hasard, de surprise, d’incompétence, ou d’abus, ils ne tiennent pas : la raison historique les casse. Il n’y a pas de victoire valable en dehors du plan tracé par cette raison supérieure et des-conditions de combat qu’elle prescrit.

C’est pourquoi la justice guerrière, comme la justice civile et la justice criminelle, est entourée de formes qui en assurent la compétence, l’intégrité et la validité. Il ne suffit pas, à la guerre, qu’on soit le plus fort, si la guerre est faite sans motifs ; il ne suffit pas davantage, en supposant la légitimité du conflit, que l’on ait battu l’ennemi, si l’on n’a pas véritablement la supériorité de force. Le droit de la guerre violé, la victoire devient stérile et nulle ; car, comme la guerre a sa compétence et ses formes, comme elle a ses prévarications et ses erreurs, elle a aussi sa sanction, sanction incorruptible, je dirais presque divine, en quoi elle l’emporte sur tous les tribunaux.

Dès la plus haute antiquité, on voit de vastes groupes politiques se former aux dépens de groupes plus petits,