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neur enfin, puisque droit et dignité ou honneur sont synonymes, et que le plaideur de mauvaise foi est réputé infâme. Or, si le droit peut se découvrir par le combat, par le témoignage de la force, du courage et du génie ; si le cas est tel, en un mot, que le plus fort, le plus brave, le plus industrieux, le plus prompt à la vertu et au sacrifice, doive être en même temps et pour cela réputé avoir droit, avec quelle ardeur n’accepteront-ils pas le combat ? Est-ce que les armes ne seront pas alors saintes et sacrées ?

C’est justement ce qui a lieu dans la guerre, avec cette différence qu’il ne s’agit plus ici de deux particuliers, mais de deux peuples ; que l’objet du litige n’est pas un vain intérêt, mais leur souveraineté ; et que la mauvaise foi d’aucune des parties n’est présumable. Que sont, devant de pareilles assises, ces vains débats, où un avocat bavard, assisté d’un procureur retors, paraît devant le juge fatigué, pour affirmer, de la langue et de la plume, le droit de son client ; où l’on bataille sur des textes ; où la bravoure, le talent, le travail, ne servent de rien ; où le plus honnête homme est chaque jour mystifié, berné par le plus fripon ? N’est-ce pas en dérision de la justice ? Vous parlez de l’effusion du sang. Mais ne voyez-vous pas que la justice, de même que l’amour et la liberté, est dans la mort ; que ceux-là seuls sont dignes de vivre et de commander qui savent mourir ; que tout le reste est servile, ad servitutem nati ?

Justice de la force, instituée pour vider les différends entre les puissances, la guerre est inévitable ; il ne reste qu’à en régler les conditions. Nous entrons en plein dans le droit, ou pour mieux dire, dans la procédure guerrière.

Cependant, avant d’en venir aux mains, un dernier scrupule nous arrête. Ce jugement de la force, si bien motivé en théorie, et que la destinée impose aux nations à peine de honte, avons-nous du moins la certitude qu’il n’aura pas été rendu en pure perte ? Pouvons-nous y avoir confiance,