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individus. Le droit civil et le droit économique ont pour point de départ l’égalité des personnes devant la loi, et la reconnaissance mutuelle de tous les droits qui peuvent résulter de leurs attributs respectifs et du libre exercice de leurs facultés, en tant que ces attributs et ces facultés servent au déploiement de leurs forces.

Tout est donc désormais parfaitement coordonné ; tout se suit, se tient, s’enchaîne et fait corps. Nous avons un principe, une base d’opérations, une perspective, un but, une méthode. Plus de scission ni dans l’homme ni dans la société ; la force et le droit, l’esprit et la matière, la guerre et la paix, se fondent dans une pensée homogène et indissoluble.

Nous savons maintenant ce qui cause l’enthousiasme des nations pour les batailles. Nous pouvons dire par quel mystère la religion et la guerre sont deux expressions, l’une dans le réel, l’autre dans l’idéal, d’une même nature et d’une même loi ; pourquoi la pensée de la guerre respire en toute poésie et en tout amour, de même qu’en toute politique et en toute justice ; comment il se fait que l’idéal viril, chez tous les peuples, soit un composé du magistrat, du prêtre et du guerrier ; d’où vient enfin, lorsque les sociétés se sont corrompues par une longue jouissance, qu’elles se régénèrent par la guerre. C’est que, comme nous l’avions pressenti dès le commencement du livre premier, il existe dans la guerre un élément moral ; c’est que la guerre est justicière, et de toutes les formes de la justice la plus sublime, la plus incorruptible, la plus solennelle.

Reste à voir à présent de quelle manière la guerre, qui nous apparaît si normale, si glorieuse, si féconde, remplit son mandat ; comment elle se comporte dans ses réquisitions, dans ses exécutions, disons le mot, dans sa procédure ; jusqu’où s’étendent ses attributions, sa compétence ;