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bien, si la constitution du pays est établie sur le suffrage universel, de conférer à la multitude, avec la jouissance des droits politiques, celle des droits économiques, ce qui veut dire l’égalité d’éducation et de fortune.

S’il était permis de conjecturer l’avenir d’après les analogies du passé, je dirais que Napoléon III ayant été fait empereur, non par la fortune militaire, mais par l’effet de l’hérédité, et la nation française repoussant le prétorianisme, il semble inévitable, pour cette double raison, que l’empire actuel redevienne une monarchie parlementaire. Mais, d’un autre côté, ce même chef d’état tirant son droit du suffrage universel, et son gouvernement ayant eu jusqu’ici pour objet principal de refouler la révolution économique, il paraît également impossible, pour cette double raison, que la monarchie parlementaire se rétablisse ; et c’est justement ce qui fait l’originalité de la situation. Fata viam inventent.

De même que la constitution politique repose, en dernière analyse, sur la force, elle a aussi pour sanction la force : en quoi le droit public vient se confondre avec le droit international. Toute nation, en effet, incapable de s’organiser politiquement, et dans laquelle le pouvoir est instable, est une nation destinée à la consommation de ses voisins. Comme celle qui ne saurait ou ne voudrait faire la guerre, ou qui serait trop faible pour se défendre, elle n’a pas le droit d’occuper une place sur la carte des états ; elle gêne, il faut qu’elle subisse une suzeraineté. Ni la religion, ni la langue, ni la race ne sont ici de rien ; la prépondérance des intérêts domine tout et fait loi Droit de la force, droit de la guerre, droit des gens, droit politique deviennent alors synonymes : là où manque la force, le gouvernement ne tient pas, et la nationalité encore moins. Droit terrible, direz-vous, droit régnicide, dans lequel on hésite à reconnaître une forme de la justice. Eh ! non ; pas de