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tout au plus ! Et pourtant Marius, Sylla, surent se rendre maîtres ; César le devint à son tour : il y en eut pour six cents ans. De nos jours, on échappe au despotisme militaire par la monarchie constitutionnelle et héréditaire ; mais c’est à la condition, en outre, de réserver à la bourgeoisie l’exercice des droits politiques. Dès que la plèbe entre dans l’arène, elle se fait un chef selon son génie, c’est-à-dire selon sa force. Après un interrègne républicain, Cromwell succède, de par la démocratie puritaine, à Charles Ier ; Bonaparte, de par la plèbe jacobinique, à Louis XVI.

Sous les empereurs romains, l’hérédité, quelque favorables qu’y fussent les soldats et le peuple, ne parvint pas à s’établir. La raison en était qu’à Rome ce n’était pas la qualité d’héritier qui servait à faire reconnaître l’empereur, c’était, au contraire, le titre d’empereur, mérité ou déjà obtenu, qui venait consacrer la filiation. Titus et Marc-Aurèle succédèrent sans difficulté, l’un à son père Vespasien, l’autre à son beau-père Antonin le Pieux. Mais Titus et Marc-Aurèle, avant d’être associés à l’empire, s’étaient illustrés par leurs services ; la filiation ne servait qu’a donner à leur titre militaire une illustration de plus. Tout général victorieux, chez les Romains, était de fait et de droit imperator ; si l’Auguste n’avait pour lui que sa naissance, il était rare qu’il ne succombât pas tôt ou tard devant un imperator plus réel. C’est ce qui arriva à Caligula, Néron, Commode, Élagabal, Alexandre Sévère, Gordien jeune et autres.

Il n’y a véritablement pour un pays que deux manières de soustraire les libertés publiques aux empiétements de la force et de conjurer le despotisme. C’est d’organiser, comme en Angleterre, une monarchie héréditaire, agissant par des ministres responsables devant un Parlement, et de réserver le privilége électoral à la bourgeoisie ; ou