Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/246

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

opposant son veto, il y avait bataille, et la fraction la plus nombreuse était forcée de maintenir la validité de l’élection par la défaite des dissidents.

Assurément, dans la loi de majorité il y a autre chose encore que la force numérique. Il y a ce principe de prudence vulgaire que, dans les choses douteuses, l’opinion du grand nombre est plus probable que l’opinion de quelques-uns, la conscience de la nation plus sûre que celle d’une secte. Mais la majorité des opinions serait, il faut l’avouer, bien peu respectable, si elle n’exprimait en même temps la majorité des intérêts. Or, les intérêts sont des forces, et, en supposant l’opinion de la majorité et celle de la minorité d’égale valeur, il resterait toujours, en faveur de la première, que, dans le doute, l’intérêt le plus considérable doit être préféré.

Qu’est-ce donc qui, dans une république ou dans une monarchie représentative, peut motiver l’insurrection ? Ce n’est certes pas la considération, fort soutenable en elle-même, qu’en fait de droit ou de science le nombre ne signifie rien, et que vingt-cinq peuvent avoir raison contre cinq cents. Je ne crois pas que jamais insurrection se soit appuyée sur un pareil grief. On n’a jamais reproché, que je sache, au nom du peuple, à un gouvernement qui avait pour lui la multitude, d’avoir usé du droit qu’il tenait de cette multitude, du droit de la force. On s’insurge, lorsque le gouvernement, comme celui de Charles X, après avoir perdu la majorité, veut agir contre la majorité, avoir raison contre la force ; ou bien lorsque ayant la majorité il viole la loi, ment a la constitution, et réclame plus, par conséquent, qu’il ne lui est accordé par le droit de la force.

Une observation à consigner ici est celle relative au choix du prince, surtout à l’accroissement que manque rarement de prendre son pouvoir, malgré la résistance des amis de