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et seraient morts plutôt que de le quitter. Il n’y a pas d’amour, comme l’amour qu’inspirent les hommes forts.

Il s’était construit un arc, bardé de lames d’acier, qu’un homme de force ordinaire avait peine à soulever, et dont les flèches étaient comme des piques. C’est avec cet arc qu’il tua les Stymphalides, espèce de vautours antédiluviens, capables d’enlever dans leur aire un porc de deux ans ou une génisse. Il y avait, dans la forêt de Némée, un lion, la terreur du pays, qui, chaque année, levait sur les bouveries un tribut d’au moins cent bœufs, sans parler des vaches, veaux, poulains et autre menu gibier. Bien des fois on avait tenu conseil ; et l’on ne savait comment s’en défaire. Hercule dit qu’il le combattrait corps à corps, armé seulement de sa masse. C’était le tronc d’une yeuse, durci au feu, garni d’une large et épaisse virole et de fortes pointes de fer. Hercule entre dans le fourré où était le lion, le provoque, l’insulte à coups de pierres, et au moment où le carnassier, d’un bond gigantesque, s’élance sur Hercule, celui-ci je frappe au vol, et l’abat d’un seul coup. La tête de l’animal, large d’une coudée, avait été broyée par la terrible massue, comme si elle eût été écrasée sous un rocher tombé du haut de la montagne.

De tous les combats d’Hercule, le plus glorieux fut celui qu’il soutint, dans le marais de Lerne, contre un énorme serpent. Mainte fois on avait vu l’affreux reptile saisir un taureau, un fort cheval, l’étouffer dans ses nœuds, puis l’entraîner dans son antre où il le dévorait. Nulle force vivante ne semblait pouvoir délivrer la terre de ce monstre. Hercule avait pensé d’abord à le surprendre dans sa digestion ; mais, outre qu’un bœuf ne pesait pas plus à l’effroyable boa qu’une grenouille à une couleuvre, les mauvais propos d’un certain Lachis, envieux d’Hercule, — Hercule avait des envieux, — le firent renoncer à ce pro-