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subsistance, les améliorent insensiblement par le travail, et les multiplient par le mariage[1].

Ce qu’il y a à faire, ce n’est donc pas une pure et simple émancipation de l’esclave : autant vaudrait presque l’envoyer aux gémonies. C’est par une intervention habile de l’État, par une responsabilité sérieuse imposée au maître, de faire de celui-ci un éducateur, un tuteur, un patron pour l’esclave, de consommateur de l’esclave que l’avait fait le droit de la force, la propriété.

Toute race est appelée au travail. S’il en était une qui ne pût ou ne voulût travailler, par cela seul elle serait condamnée, et, livrée à la misère, bientôt elle disparaîtrait. Tôt ou tard les Européens s’établiront au centre du Soudan, comme ils se sont établis au cœur des deux Amériques ; alors il faudra bien que les nègres travaillent. Qu’ils travaillent dès maintenant : c’est notre droit de les y contraindre. A cet égard je préférerais, je l’avoue, qu’au lieu d’abolir la traite, on l’eût placée sous l’inspection des gouvernements.

Toute race doit s’améliorer, se moraliser et s’instruire. Que la loi protectrice des faibles comme des forts veille donc sur les ouvriers de race inférieure que l’agriculture et l’industrie emploient, comme sur ses propres prolétaires. Là est la vraie solution du problème de l’esclavage…

Ces quelques exemples suffiront, je l’espère, pour faire

  1. Depuis que la scission est commencée entre le nord et le sud de l’Amérique, à propos de l’esclavage, des excitations à la révolte et au meurtre des maîtres ne cessent de partir des États du nord et de l’Angleterre elle-même. Le ministère anglais les appuie ; certains libéraux français les répètent. Ces provocations sont contraires au droit des gens. Ce n’est pas l’amour du nègre qui les inspire : elles sont plutôt l’effet d’un complot qui, n’osant, comme les Espagnols du seizième siècle, employer le massacre, tend à exterminer les races inférieures par la dépossession, les maladies et la misère.