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pensée hypocrite qui, sous prétexte de les émanciper, ne tend à rien de moins qu’à les rejeter sous le pur régime de la force, et à en faire une boue prolétarienne plus immonde cent fois que celle de nos capitales. C’est au contraire parce que je tiens à remettre en honneur ce droit si longtemps méconnu de la force, que je proteste, à propos de l’esclavage, contre l’application inintelligente, odieuse, qui en serait faite. Eh ! quoi, le travailleur de race anglaise, la race forte par excellence, meurt de faim dans les rues de Londres ; que sera-ce du nègre, un jour, dans les rues de Washington et de Baltimore ?

L’abolition de l’esclavage est une question du ressort du droit des gens, disons mieux, du droit des races, puisque ici nous devons faire la distinction marquée par ces deux termes ; elle relève donc primitivement du droit de la force, duquel dérivent, comme nous l’avons vu, toutes les relations internationales, toutes les formations d’états, incorporations, centralisations et fédérations.

Mais, dans le cas dont il s’agit, le droit de la force, applicable dans sa rigueur tant qu’il s’agit seulement d’états, ne peut plus être suivi, et pourquoi ? C’est qu’il tend à l’extermination des individus, et que, comme il a été expliqué dans la définition du droit des gens, si le sacrifice d’un état peut être requis, au nom du droit de la force et dans l’intérêt de la civilisation générale, la personne humaine reste sacrée, et que tout ce que nous avons à faire, nous race supérieure, vis-à-vis des inférieurs, c’est de les élever jusqu’à nous, c’est d’essayer de les améliorer, de les fortifier, de les instruire, de les ennoblir.

Quels sont ici les vrais ennemis des Noirs ? Ceux qui, le sachant ou ne le sachant pas, il n’importe, méditent de les faire périr dans la désolation du prolétariat. Quels sont, au contraire, les vrais négrophiles ? Ceux qui, les tenant en servitude, les exploitant, il est vrai, leur assurent la