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comme auraient pu faire le Romain ou le Grec, du Gaulois, du Juif, leur égal en tant qu’homme, mais devenu, par le sort de la guerre, leur esclave. Mais un fait qui doit frapper tous les esprits, et dont il est impossible à tout ami sérieux de l’humanité de ne pas tenir grandement compte, c’est l’inégalité qui existe entre les races humaines, et qui rend si difficile le problème de l’équilibre social et politique. Ce n’est pas seulement par la beauté du visage et l’élégance de la taille que le Caucasien se distingue entre tous ; c’est par la supériorité de la force physique, intellectuelle et morale. Et cette supériorité de nature est décuplée par l’état social ; ce qui fait qu’aucune race ne tient devant nous. Quelques régiments anglais contiennent et gouvernent cent vingt millions d’Indiens ; et nous venons de voir qu’il suffisait d’une petite armée d’Européens pour conquérir la Chine. Quelle comparaison établir entre l’Anglo-Saxon et le Peau-rouge, qui se laisse mourir plutôt que de se civiliser, ou le nègre importé du Soudan ? Les races du Nouveau-Monde s’effacent devant le progrès des blancs ; les massacres des Espagnols ont été moins meurtriers pour elles que le contact des civilisés. Oublie-t-on, enfin, que, depuis l’abolition du système féodal, la liberté, dans notre société industrialiste, c’est, pour l’individu faible de corps et d’entendement, à qui sa famille n’a pas assuré de revenu, quelque chose de pis que l’esclavage, le prolétariat ? Ainsi le veut la force, tant qu’elle reste la loi dominante de la société ; et je dis que le droit qui nous domine encore aujourd’hui, ce n’est pas le droit du travail, non encore reconnu, ni le droit de l’intelligence, source de tant de déceptions, c’est encore, et quoi qu’on dise, le pur droit de la force.

Certes, je n’ai garde de renier ici ma propre thèse et de combattre précisément ce que je me suis proposé de réhabiliter, quand je m’élève, en faveur des Noirs, contre la