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deux chefs de disposer de cette partie du territoire autrichien, réclamée par l’Italie. Il faut à un grand état une issue sur la mer. Ici le droit des masses primerait les considérations de nationalité et de langue, et, s’il le fallait, la guerre trancherait de nouveau la question en faveur de la force.


Question américaine. — Les États du Nord et les États du Sud, depuis longtemps divisés sur le sujet de l’esclavage, finissent par se séparer. Dans un état fortement constitué, entouré de puissances prêtes à profiter de son affaiblissement, une semblable séparation serait fort périlleuse ; elle ne serait pas supportée : il y aurait guerre. En Amérique, grâce à la sécurité qui entoure le territoire, il est possible que les choses se passent autrement C’est Israël qui se séparerait de Juda : l’Éternel ferait connaître quel est le peuple selon son cœur. Mais il est possible aussi que l’on se batte : dans ce cas, deux questions sont à vider. D’un côté, on demande si les méridionaux ont ainsi le droit de se séparer, si ceux du Nord n’ont pas le droit de les ramener et de trancher la question de l’esclavage par la force ; de l’autre, ce qu’il faut penser de l’esclavage en lui-même et abstraction faite de la question politique.

Et d’abord, y a-t-il ici cas de guerre ? À cette première question je répondrai comme je l’ai fait précédemment à propos des guerres de religion : La bataille, quel qu’en soit l’événement, ne prouvera absolument rien ni pour ni contre le fait même de l’esclavage. Le droit de la guerre ne connaît pas du droit civil ni du droit des gens. Voici ce que fera la guerre. On ne saurait contester, d’un côté, qu’une majorité puritaine n’ait le droit d’abolir, au sein de la nation qu’elle représente, un usage qui blesse ses sentiments religieux et humanitaires ; d’autre part, que la minorité, considérant les choses à un tout autre point de vue