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serait autre que la restauration des races indigènes, depuis quatre ou cinq siècles subjuguées par les Turcs. Mais si l’on songe que ces races ne peuvent rien par elles mêmes contre le cadavre ottoman, pas plus que les Grecs de 1823 n’eussent pu s’affranchir sans le secours des États chrétiens de l’Europe ; si l’on réfléchit que les turcs sont très-nombreux et très-forts encore dans les provinces de leur empire, radicalement séparés par la religion, la langue et la race, des chrétiens, et toujours hostiles : on sera forcé de reconnaître que l’élément indigène ayant besoin de la force étrangère, c’est cette force qui en réalité se substitue à la force ottomane, et qu’en conséquence, à moins d’une générosité spontanée des grandes puissances, générosité d’ailleurs tout à fait dans les mœurs du siècle, le véritable héritier de l’empire turc, c’est la Confédération des grands États de l’Europe, ce qu’on a appelé, depuis 1815, la Sainte-Alliance. La Grèce et l’Égypte ne pourraient être elles-mêmes reçues comme héritières que par la munificence desdits états, sans le concours desquels elles demeureraient impuissantes.

Où trouver, en effet, dans les populations indigènes, de quoi remplacer le gouvernement turc à Candie, à Rhodes, à Chypre, en Syrie, en Anatolie, en Arménie, les Turcs refusant de se convertir au christianisme, de se mêler par mariage aux indigènes, comme de retourner dans leurs steppes ?

Je n’insiste pas : la vérité ici frappe tous les yeux.

Je regarderais donc un partage de la Turquie, par les puissances susnommées, comme conforme au droit des gens, précisément parce qu’elles seules ont cette force politique, indispensable à la vie des sociétés, force que la Turquie a perdue, et que les races soumises sont loin d’avoir ressaisie. Si ce partage ne s’opère point, comme s’est opéré, au dix-huitième siècle, avec si peu de difficulté,