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réunir deux États, en soumettant le plus faible à la raison politique du plus fort. Alors, s’il y a résistance du premier, il y a lieu d’en venir aux armes. Mais vous, roi d’Angleterre, prince étranger, séparé de mon pays par l’Océan, que demandez-vous ? Qu’y a-t-il de commun entre mon peuple et le vôtre ? Fussiez-vous le fils aîné du roi de France mon père, vous ne pourriez vous prévaloir de votre primogéniture qu’à la condition de renoncer à votre qualité de roi d’Angleterre, ou de faire de l’Angleterre une province française. Non-seulement donc nous refusons, moi, mes barons et mes fidèles communes, de vous reconnaître comme souverain ; mais nous formons à notre tour, contre l’Angleterre et contre vous, une demande en revendication de cette province de Guyenne que vous retenez illégitimement et par une fausse interprétation du droit des gens. La Guyenne, pour laquelle vous me devez l’hommage féodal, ne peut appartenir à un prince anti-français ; elle revient, de droit naturel, à la France, elle fait partie de son unité. C’est dans cette pensée que fut contracté, il y a près de deux cents ans, le mariage de l’un de mes prédécesseurs, Louis le Jeune, avec Éléonore, chassée plus tard pour ses adultères et recueillie par un de vos aïeux. Le droit de succession féodale, en vertu duquel vous parlez, ne peut primer le droit éternel des nations, que je représente. Préparez-vous donc à remettre entre mes mains cette principauté qui n’est point vôtre, ou à la défendre par les armes. Dieu et la victoire décideront de quel côté est le droit. »

Au quatorzième siècle, comme au douzième et au dix-neuvième, l’incorporation de l’une des deux puissances, ou d’une fraction de l’une de ces puissances, anglaise et française, dans l’autre, excédait les bornes du droit de conquête. Ni l’Angleterre n’était d’ailleurs de force à s’assimiler la France, ni la France ne pouvait s’assimiler