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s’établiront parmi les hommes, que par la reconnaissance et la délimitation du DROIT DE LA FORCE.


Le droit de la force, le droit de la guerre et le droit des gens, définis et circonscrits comme nous venons de le faire, se soutenant, s’impliquant et s’engendrant l’un l’autre, gouvernent l’histoire. Ils sont la providence secrète qui mène les nations, fait et défait les États, et, mettant d’accord la force et le droit, conduit la civilisation par la route la plus sûre et la plus large. Par eux s’expliquent une foule de choses dont il est impossible de rendre compte ni par le droit ordinaire, ni par aucun système historique, ni même par les évolutions capricieuses du hasard. Citons-en quelques exemples parmi les plus connus.

Notre sentiment démocratique s’indigne en voyant des mariages princiers décider de l’agglomération de populations nombreuses, comme si les peuples étaient la propriété des rois, et pouvaient être donnés par eux en apanage à leurs garçons ou en dot a leurs filles. L’Aragon et la Castille s’unissent par le mariage de Ferdinand et d’Isabelle ; en Angleterre, les deux Roses se réconcilient par celui de Henri VII avec la dernière héritière d’York ; la Bretagne est définitivement réunie à la France par celui de Charles VIII, et après sa mort, de Louis XII avec Anne de Bretagne. Quelles protestations, quelles colères soulèveraient aujourd’hui de pareils actes ! Jusqu’en 1766, on voit la Lorraine revenir à Louis XV par la mort de Stanislas Ier, roi de Pologne, dont il avait épousé la fille. L’esprit des traités de 1815 a mis fin à ce système d’héritage, emprunté au droit civil, et appliqué, grâce, il faut le dire, au bon sens des princes, avec assez de bonheur, aux relations internationales. Maintenant, c’est un autre principe qui régit les acquisitions et les démembrements des états, le principe de l’équilibre des forces. Or, c’était aussi le