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fureur des sectes l’a forcée d’intervenir, elle a fait la seule chose qu’il y eût à faire, en sacrifiant, avec le moins de sang répandu possible (je raisonne dans l’hypothèse d’une guerre en forme), le plus faible au plus fort. Il est triste, sans doute, pour un croyant de perdre sa religion et son Dieu dans un combat à l’épée. Mais ces immenses douleurs ne nous touchent plus aujourd’hui qu’à l’Opéra. Au fond, que perdait la civilisation, en passant d’Osiris ou Baal à Mithra, de Mithra à Jéhovah, de celui-ci à Jupiter, de Jupiter au Christ, du pape à Luther ? C’est à travers ces variations et ces apostasies que nous avons appris à séparer la foi de la raison, le culte de la justice, l’Église de l’État. Jamais, j’ose le dire, jugement rendu par la force ne fut mieux motivé, exécution plus féconde et plus légitime.


4. Équilibre international, délimitation des états. — Ce principe de litige, la délimitation du territoire et le maximum d’étendue d’un État, dont il serait aisé de constater la présence dans la plupart des guerres anciennes et modernes, est devenu, depuis le congrès de Vienne en 1814-1813, l’objet même du droit des gens européen. Les applications de la loi d’équilibre sont fréquentes dans l’histoire, ainsi que l’a prouvé Ancillon, dans son Tableau des révolutions du système politique en Europe. C’est à l’énergie de cette loi que la Prusse a dû, au dix-huitième siècle, de devenir tout à coup une grande puissance, formant simultanément contre-poids à la Russie, à l’Autriche, à la France et aux états Scandinaves. Tel qu’il a été posé par les traités de 1814 et 1815, le principe d’équilibre international ne peut être considéré comme la dernière formule du droit des gens, ainsi que nous le démontrerons au volume suivant. Mais on ne saurait non plus se refuser à y voir une préparation à un ordre de choses supérieur, et comme la pierre d’attente d’une paix définitive.