tifiée avec la justice, la politique et les mœurs, est la vie même de la société. Elle est à l’âme ce que la nourriture est au corps. L’homme vraiment religieux ne peut pas plus supporter le dissident ou l’impie, que l’homme physique ne peut souffrir qu’un méchant voisin corrompe l’air qu’il respire, l’eau qu’il boit, le pain dont il se nourrit ; qu’il empoisonne son bétail, fasse périr ses arbres, ravage ses moissons et menace son domicile. Il est possible que des deux religions en conflit aucune ne soit la bonne, possible que toutes deux soient d’égale valeur, possible que la religion du plus faible soit meilleure que celle du plus fort. Ce n’est pas de quoi se préoccupe la guerre ; comme je l’ai dit, elle ne connaît pas du dogme. La seule chose qui soit de sa compétence, c’est, puisque les deux sectes ne se peuvent souffrir et qu’une doit être sacrifiée, de décider, par les voies de la force, à qui incombera le sacrifice, en quoi l’on ne saurait dire que la guerre soit injuste. Ce n’est pas elle qui excommunie ; loin de là, la décision qu’elle est appelée à rendre implique qu’à ses yeux toutes les religions se valent, en tant qu’elles sont une représentation de la pure justice ; à cet égard on peut dire que la raison de la guerre est d’accord avec celle du philosophe. En matière de religion, la guerre est la tolérance même.
L’histoire est pleine de ces exécutions sanglantes, auxquelles nulle église, nulle synagogue, nul sacerdoce ne répugna jamais. La guerre des Albigeois en est un bel exemple. Qu’on accuse, si l’on veut, la folie humaine, la superstition, le préjugé, le fanatisme, l’hypocrisie, à la bonne heure. Cela nous est aisé à nous autres qui vivons sans religion, qui pour la plupart, en perdant le sentiment religieux, avons perdu jusqu’au sens moral. Mais s’il est beau de mourir pour son pays, il ne l’est pas moins de mourir pour sa foi : après tout, l’un n’est pas différent de l’autre. Quant à la guerre, elle est ici sans reproche. Le jour où la