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pour eux une aggravation de servitude, et, à l’heure la plus critique, revendiquent le bénéfice de leur nationalité. Question de guerre, par conséquent, à moins qu’une transaction, qui dans ce cas n’aurait rien de déshonorant pour personne, ne prévienne le conflit. Peut-être, pour ramener la cohésion dans cette divergence, ne faut-il que le sacrifice d’une dynastie : le sacrifice des dynasties comme celui des nationalités, est aussi une loi de l’histoire. Videbit Deus. La vie morale, la conscience, la force, est-elle à Vienne, à Pesth, à Prague ou à Agram ? Toute la question est là.


3. Incompatibilité religieuse. — Ce n’est point comme juge de la doctrine que la guerre intervient parfois dans les questions de religion ; il est évident que la théologie n’a rien de commun avec l’exercice de la force. Aussi la guerre n’a-t-elle pas la prétention de décider, entre deux croyances, laquelle est la vraie ; entre deux opinions théologiques, de quel côté est l’orthodoxie et de quel côté l’hérésie. Il s’agit simplement pour elle de décider, entre deux fractions d’un même peuple divisé dans sa religion et à qui la tolérance est impraticable, laquelle de ces fractions devra embrasser la religion de l’autre, comme l’enfant suit la religion de son père, à peine de se voir exclu de la communion paternelle. Ton peuple sera mon peuple, et ton Dieu sera mon Dieu, disait Ruth, veuve et désolée, a sa belle-mère Noémi, qui lui proposait de retourner dans son pays de Moato. Telle est précisément, en matière de religion, la maxime que la guerre impose a la faiblesse.

Dans les premières sociétés, où la religion se confond avec la législation, le sacerdoce avec le pouvoir, le culte avec la justice et la morale, la tolérance, fondée uniquement sur la séparation de l’Église et de l’État, est impossible ; l’unité de religion est nécessaire. La religion, iden-