le plus fréquent de tous. Tous les états modernes, pour peu que leur population atteigne un ou deux millions d’âmes, sont le produit, plus ou moins légitime, de la guerre, du droit de la force. Ainsi s’est formé peu à peu l’ancien royaume de France, d’abord, par la conquête romaine, qui a réduit sous un même joug toutes les nationalités dont se composait la Gaule primitive ; puis, par la conquête franque, qui, lors de la dissolution de l’empire, assistée de l’épiscopat, continua l’unité ; enfin, par la réunion au domaine royal de toutes les provinces qu’avait détachées du centre le régime féodal. Il est évident, à la simple inspection de la carte, que les nécessités de voisinage, bien plus que la ressemblance, plus ou moins accusée, des idiomes, de la religion, des mœurs et coutumes, a poussé la multitude des petits états, compris entre les deux mers, les Pyrénées, le Rhin et les Alpes, à se fondre en un état unique, lequel état devait naturellement prendre le nom, le titre et la loi de celui que sa position centrale et sa force supérieure désignait d’avance comme foyer d’attraction. Sous les Romains conquérants venus du dehors, le centre est un peu partout ; mais avec les rois Francs il se fixe à Paris, et, pour qui étudie la disposition des divers bassins qui divisent le sol français, il ressort que le choix de cette capitale n’est point du tout le fait de l’homme ; c’est le fait de la nature même.
Ici nous apparaît pour la première fois, à l’origine de la guerre et de la conquête, à l’origine même des sociétés, un principe que nous trouverons désormais en contradiction perpétuelle avec le droit de la force, c’est le droit de nationalité. On l’a dit et répété à satiété depuis Hobbes : Une nation, un état, est une personne collective, douée, comme l’individu, d’une vie propre ; qui a sa liberté, son caractère, son génie, sa conscience, et par conséquent ses droits, dont le premier et le plus essentiel est le maintien