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inévitable, légitime, providentielle, sacrée ; qu’en conséquence, il y a lieu d’y procéder, en réservant à chaque nation ses droits et prérogatives, et en distribuant entre elles la souveraineté du nouvel état, proportionnellement à leurs forces. L’arrêt divin ne ferait ici qu’appliquer le droit de la force.

Mais, dans le silence des dieux, les hommes n’acceptent pas des révolutions qui contrarient leurs intérêts ; ils trouvent même que les révolutions sont injurieuses a la divinité. Dans le silence des dieux, ils ne jugent pas qu’une souveraineté proportionnelle soit une compensation suffisante d’une souveraineté entière, et ils repoussent tout arrangement. Dans le silence des dieux, enfin, ils n’admettent pas la supériorité de l’ennemi ; ils se croiraient déshonorés de céder, sans combat, à une force moindre. Tous préfèrent la voie des armes, chacun espérant, se flattant que la fortune des armes sera pour lui.

Le duel est donc inévitable. Il est légitime, puisqu’il est l’agent d’une révolution nécessaire ; sa décision sera juste, puisque la victoire n’est à autre fin que de démontrer de quel côté est la plus grande force, et d’en consacrer le droit. Car, ne l’oublions pas, le droit de la force, qui décide en dernier ressort de l’opportunité de la révolution et de la situation des deux peuples dans l’état nouveau, préexiste à la guerre ; et c’est parce qu’il préexiste à la guerre qu’il peut s’attester ensuite au nom de la victoire.

Telle est l’origine, à la fois théorique et historique, et abstration faite des incidents particuliers et des violences illicites, du droit de la guerre. Ce droit dérive du droit de la force et le suppose, mais il n’est pas la même chose que le droit de la force. Il est au droit de la force ce que le code de procédure civile est au code civil, ou le code d’instruction criminelle au code pénal. Le droit de la guerre est le code de procédure de la force ; c’est pourquoi nous défini-