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guerrier. Il répugne, lorsqu’il s’agit du salut commun, que le plus faible commande et que le plus vaillant obéisse ; à cet égard, personne n’a jamais songé à contester sérieusement le droit de la force.

Ce principe admis, le reste en découle. La famille se multiplie par la génération, surtout quand la polygamie est admise. Si le chef est fort, la famille s’augmente de la réunion de plusieurs autres familles, qui de plein gré demandent la fusion, et promettent au patriarche fidélité et obéissance. La tribu est ainsi formée. En cas de guerre, elle se renforce des prisonniers des deux sexes dont le travail ajoute à sa richesse, et développe d’autant sa valeur guerrière. La richesse, c’est encore de la force.

Mais comment y a-t-il guerre ?

Deux tribus se rencontrent. Afin de ne pas se gêner l’une l’autre ni s’exposer à en venir aux mains, leur premier mouvement est de s’éloigner. Il se peut, toutefois, que l’une des deux, affaiblie par la misère, les maladies, ou par tout autre motif, demande l’incorporation. Dans ce cas la plus faible abdique entre les mains de la plus forte, dont le chef réunit en sa personne les deux souverainetés. C’est ainsi que, dans les affaires, l’entrepreneur pourvu de capitaux cherche rarement un associé. Il accepte des auxiliaires, des employés, des commis, des ouvriers, des contremaîtres, mais pas d’égal. Si on lui propose une fusion, il aura soin, toute balance faite, de réserver pour lui la direction générale, condition sine quâ non de son acceptation. Je n’examine pas, quant à présent, si de la réunion des travailleurs ne résulte pas une force du collectivité qui domine celle du patron ; le droit de la force n’y perdrait rien. Je me borne à constater que, dans les mœurs actuelles de l’industrie, le plus fort est le maître, que cela est juste, et que personne n’y trouve à redire.

Or, remarquez ceci : Le droit de la force est de sa na-