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le sentiment de la solidarité dans la corporation, viennent à faiblir.

Dans une âme maîtresse d’elle-même, dans une société bien ordonnée, les forces ne luttent un moment que pour se reconnaître, se contrôler, se confirmer et se classer. Comme dans la famille la puissance paternelle a pour contre-poids l’amour, qui souvent fait pencher la balance en faveur du plus faible ; ainsi, dans la cité, les forces corporatives se balancent, et, par leur juste équilibre, produisent la félicité générale. L’opposition des forces a donc pour fin leur harmonie. A cet égard, la destinée des états sur le globe n’est pas autre que celle des citoyens d’une même ville, ou des provinces d’un même état. Tout antagonisme dans lequel les forces, au lieu de se mettre en équilibre, s’entre-détruisent, n’est plus de la guerre, c’est une subversion, une anomalie.

Tout cela est d’une telle simplicité, d’une vérité si évidente, que j’éprouve quelque peine à l’exposer, et que j’ai hâte d’en finir. La force, la première en date des facultés humaines, la dernière en rang, je le veux bien, a son droit comme toute autre, et comme toute autre elle peut être appelée à faire loi. Bien entendu que la loi de la force n’est applicable qu’en matière de force, comme la loi d’amour en matière d’amour, comme la loi du travail en matière de travail.

C’est à la raison de voir, en tout litige, d’après quelle loi doit être rendu son jugement, comme le magistrat détermine l’article du code en vertu duquel il rend sa décision. Rien en tout cela qui ne rentre dans les conditions ordinaires du sens commun, je devrais dire du droit commun. Comment donc se fait-il que les auteurs n’en disent mot, et que ce qui fait la base de toute législation, ce que l’histoire signale comme le premier moment de l’évolution judiciaire, le droit de la force, soit partout mé-