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aussi son droit, qui n’est pas le droit, tout le droit, mais qu’on ne saurait, sans déraison, méconnaître.

Si l’on niait le droit de la force, il faudrait nier, par une raison semblable, le droit du travail, le droit de l’intelligence, tous les autres droits, même les moins contestés ; il faudrait, pour conclure, nier le droit de l’homme, la dignité de la personne humaine, en un mot la justice. Il faudrait dire, avec les matérialistes utilitaires, que la justice est une fiction de l’État ; ou bien, avec les mystiques, qu’elle est hors l’humanité, ce qui rentre dans la théorie absolutiste du droit divin, désormais convaincue d’immoralité et abandonnée.

La force n’est donc pas zéro devant le droit, comme on se plaît à le répéter. La force en elle-même est bonne, utile, féconde, nécessaire, estimable dans ses œuvres, par conséquent digne de considération. Tous les peuples l’honorent et lui décernent des récompenses ; malheur à ceux qui la négligeraient ! Ils perdraient bientôt, avec la puissance de connaître, de produire et d’aimer, jusqu’au sens moral.

Ainsi la force est, comme toutes nos autres puissances, sujet et objet, principe et matière de droit. Partie constituante de la personne humaine, elle est une des mille faces de la justice ; à ce titre, elle peut devenir à son tour, le cas donné, par une simple manifestation d’elle-même, justicière. Ce sera le plus bas degré de la justice, si l’on veut ; mais ce sera de la justice : toute la question sera de la faire intervenir à propos.

Ici encore je ne puis me dispenser de relever une contradiction des auteurs. La force, selon eux, est le contraire du droit ; mais ils l’admettent comme sa sanction nécessaire.


« La force, dit Ancillon, est la garantie nécessaire du