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par conséquent reconnaître les autres dans les leurs : la dignité serait atteinte chez tous sans cela, et le droit imparfait.

C’est encore d’après ce principe que la justice formule ses jugements. Elle n’a pour juger qu’un moyen, qui est de comparer, selon l’objet en litige, le mérite et le démérite des sujets, la valeur de leurs œuvres, l’excellence ou la faiblesse de leurs facultés.

De là, autant de variétés d’application de la justice, en termes plus simples, autant d’espèces de droits qu’il y a dans le sujet de facultés, et dans sa sphère d’action d’objets capables de fournir à la justice des termes de comparaison. L’âme se décomposant, par l’analyse psychologique, en ses puissances, le droit se divise en autant de catégories, de chacune desquelles on peut dire qu’elle a son siége dans la puissance qui l’engendre, comme la justice, considérée dans son ensemble, a son siége dans la conscience.

Ainsi, il y a un droit du travail, en vertu duquel tout produit de l’industrie humaine appartient au producteur, quels que soient, du reste, son talent, son génie, sa vertu. Ce droit est inhérent au travail, c’est-à-dire à l’homme se manifestant sous l’hypostase du travail ; il émane du travail, il lui appartient, non à titre de concession de l’état, mais comme expression du travailleur, comme sa prérogative inviolable.

Il y a un droit de l’intelligence, qui veut que tout homme puisse penser et s’instruire, croire ce qui lui semble vrai, rejeter ce qui lui paraît faux, discuter les opinions probables, publier sa pensée, obtenir dans la société, en raison de son savoir, certaines fonctions de préférence à l’ignorant, celui-ci fût-il d’ailleurs plus laborieux, plus riche, voire même d’une conduite plus morale. Le droit de l’intelligence est inhérent à l’intelligence comme le droit du