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comme Caïphe prophétisant la rédemption, que pour résoudre les problèmes économiques, politiques, nationaux et sociaux qui surgissent de partout, il n’y a d’espoir que dans la force.

Jamais, peut-être, le monde ne fut en proie à de plus vives angoisses. Comment nous en étonner ? Le monde cherche un principe qui régisse les rapports des nations ; or, le seul qu’il rencontre est la force, et il ne croit pas plus à la force qu’à Dieu même. Comment sortir de ce labyrinthe ?

Remontons aux principes.

La justice n’est point un commandement intimé par une autorité supérieure à un être inférieur, comme l’enseignent la plupart des auteurs qui ont écrit sur le droit des gens ; la justice est immanente à l’âme humaine ; elle en est le fond, elle constitue sa puissance la plus haute et sa suprême dignité.

Elle consiste en ce que chaque membre de la famille, de la cité, de l’espèce, en même temps qu’il affirme sa liberté et sa dignité, les reconnaît chez les autres, et leur rend en honneur, considération, pouvoir et jouissance autant qu’il prétend en obtenir. Ce respect de l’humanité en notre personne et dans celle de nos semblables est la plus fondamentale et la plus constante de nos affections.

En vertu de cette disposition innée à nous traiter les uns les autres selon le droit, nous pouvons nous dire tous, et tout à la fois, justiciers et justiciables. C’est parce que le droit de justice, comme on disait dans la langue féodale, existe en chacun de nous, que les arrêts des tribunaux sont légitimes, le juge, comme le représentant du peuple, comme le prince lui-même, n’étant pas autre chose qu’un mandataire.

Or, l’homme, être organisé, est un composé de puissances. Il veut être reconnu dans toutes ses facultés ; il doit