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toujours, bien entendu, sous la maxime de l' utilité, du plus grand commun intérêt. Est ce donc que nos jurisconsultes philosophes, j’entends les plus spiritualistes, les plus religieux, les plus libéraux, font aujourd’hui autre chose que Hobbes ? Est-ce que ce n’est pas dans la force publique qu’ils placent tous la sanction du droit ? Est-ce qu’il en est un seul parmi eux qui ait jamais compris que, si la justice est par elle-même quelque chose, non un mot ou simplement une idée ; si c’est un principe de vie, une force de la nature et de l’humanité, une affection, si j’ose ainsi dire, en même temps qu’une loi de notre âme, elle a sa sanction en elle-même, non dans une puissance ou autorité étrangère ?

Nous qui croyons à la réalité et à l’immanence de la justice, nous pouvons dire qu’elle est rémunératrice et vengeresse, qu’elle porte sa consécration avec elle, et que s’il peut être permis, en certains cas, vis-à-vis de scélérats que le crime a ravalés au-dessous de la brute, d’employer les moyens de rigueur dont on se sert avec les brutes, ces sévices corporels sont nuls par eux-mêmes ; que la véritable réparation du délit a sa source dans la conscience du coupable, et que la véritable sanction du droit, en un mot, c’est l’allégresse qui accompagne la vertu, le remords qui suit le crime.

Hobbes n’en était pas arrivé là. Il n’avait pas plus de foi a l’efficacité de la conscience qu’il n’en avait probablement à celle de la religion, et il recourait à la force. Non qu’il reconnût à la force aucune espèce de droit ; la force était pour lui un moyen de garantie, un agent ou organe de sûreté. Nos juristes et nos hommes d’état, que font-ils donc autre chose ? Et il concluait, comme le font nos juristes et nos hommes d’état, que le meilleur gouvernement est le mieux constitué en autorité et en force ; qu’une condition de cette force et autorité, c’est que le prince, organe du pouvoir, soit déclaré inviolable, irresponsable, et même,