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bes, par état naturel ou état de nature), cette guerre est un mal ; et la même droite raison qui nous autorise à nous en servir, envers et contre tous, comme d’un moyen de conservation, nous pousse à lui préférer la paix.

Il suffit de la plus légère attention pour comprendre la dialectique du philosophe, et rendre justice à ses vues. Hobbes n’est nullement un partisan de la guerre et de la violence ; tout au contraire il veut la paix, et il cherche le droit. Décidé à ne rien demander à la théologie, mais a tenir tout exclusivement du sens commun, de la logique rigoureuse, du pur égoïsme, il se place volontairement dans l’hypothèse la plus défavorable, comme Descartes s’engageant dans son doute méthodique. Et c’est au nom de ce même égoïsme, en vertu de cette logique inflexible qu’il lui attribue et qu’il appelle recta ratio, qu’il conclut tout à coup, sans le moindre détour, sans surprise, sans sophisme, à la supériorité de la paix sur la guerre, et à la nécessité pour l’homme, à peine de contradiction, de la vouloir.

L’état primordial de l’homme, dit Hobbes, est l’état de guerre. Dans cet état, l’homme a le droit de tout faire, pour sa conservation, contre l’homme. Mais l’humanité ne peut vouloir sa propre destruction : donc sa loi est de sortir de son état de nature pour arriver à la paix. Voilà le raisonnement de Hobbes.

Comment donc sortirons nous de notre état de nature pour entrer dans l’état social ? Comment s’établira la paix au milieu de cette guerre ? — Par le contrat, répond Hobbes. — Qu’est-ce que le contrat ? — L’action de deux ou plusieurs personnes qui se transfèrent réciproquement leurs droits : Duorum vel plurium jura sua mutuo transferentium actio vocatur contractus. Une fois là, Hobbes construit son état : il montre comment tous les droits et devoirs positifs de l’homme en société peuvent découler de ce même principe d’égoïsme qui d’abord n’avait servi qu’à or-