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berté pour les individus, la nient pour les peuples. Il faudrait dire, avec Domat, « que les procès entre nations ont pour juges la force et Dieu, les événements que Dieu donne aux guerres ; enfin il faudrait affirmer, avec des philosophes modernes, que la guerre n’a jamais tort ; que Dieu en dirige les événements pour en tirer l’enfantement heureux de quelque progrès réclamé par la force au nom de la justice. »

A quoi notre auteur répond :

« La liberté humaine peut tout aussi mal faire entre les nations que dans les débats particuliers ; le canon, ratio ultima regum, n’est pas infaillible pour donner la victoire à la bonne cause. Alors on est bien obligé de reconnaître que le droit international sanctionnateur est informe en ce qui touche les moyens de sanction extérieure. Les moyens préventifs ou probatoires, réparatoires ou pénaux, qu’il a à sa disposition, ne sont que de la force ; sa procédure est l’habileté d’un général ; son prétoire est le champ de la bataille. Montesquieu reconnaît ces tristes vérités. Il en tire cette conséquence, que les princes, qui ne vivent point entre eux sous des lois civiles, ne sont point libres… Car la liberté consiste principalement à ne pouvoir être forcé à faire une chose que la loi n’ordonne pas ; et on n’est dans cet état que parce qu’on est gouverné par des lois civiles. D’Aguesseau ajoute, dans le même sens : Au lieu que, dans la jurisprudence ordinaire, c’est par le droit que l’on doit juger du fait ; ici, c’est presque toujours le fait qui sert à faire observer le droit.

» Cette privation d’une partie notable de la sanction constitue une mutilation profonde de l’idée du droit. Aussi Burlamaqui, Pufendorf et d’autres auteurs avouent