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ce qui est. Entre science et conscience, il n’y a pas de différence. Hegel a jeté son regard d’aigle sur la guerre, et il l’approuve, il en proclame les résultats généraux comme bons, en quoi il n’a pas tort. Mais il ne donne d’autre raison de cette bonté des résultats généraux de la guerre sinon qu’ils existent ; il ne s’inquiète pas si le principe en est moral ou immoral ; il affirme que la guerre, étant inévitable, est par cela même infaillible, qu’elle ne se trompe pas.

Aussi voyez la conséquence. Tandis que Fichte prêchait la croisade contre Napoléon, Hegel admirait flegmatiquement la marche dialectique du conquérant. Si l’Allemagne, en 1813, avait été un peu moins kantiste, un peu plus hégélienne. Napoléon ler aurait été victorieux dans sa campagne de Saxe ; l’invasion de la France en 1814 n’aurait pas eu lieu ; au contraire, le désastre de la campagne de Russie réparé, la coalition définitivement écrasée, c’est l’empire des czars qui aurait été conquis ; Napoléon serait mort sur son trône, et son fils, le duc de Reichstadt, rendu à la santé par la victoire de son père, réunirait peut-être sur sa tête les deux couronnes de France et d’Autriche. Nous pouvons, en France, par patriotisme, accepter cette conclusion hégélienne de l’épopée impériale ; mais il faut avouer qu’en vertu du même patriotisme les Allemands ne s’en accommoderaient pas de même. D’où il résulte, contrairement au système de Hegel, que la raison de la guerre n’est pas la même que la raison de la nécessité, et que si la force doit incontestablement compter pour quelque chose, elle n’est cependant pas tout.

Du droit de la guerre, ainsi conçu tellement quellement, Hegel concluait, avec Hobbes, à l’absolutisme gouvernemental, à l’omnipotence de l’état, à la subalternisation de l’individu. J’ignore si, pour cette partie de sa philosophie, Hegel a conservé en Allemagne un seul partisan ; mais je