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veraines, les jette tous dans un antagonisme sans issue, nos docteurs se hâteront de conclure, pour mettre un terme à l’incendie et au massacre, pour se tirer du chaos, mais en mentant à leur conscience, qu’il est bien d’adjuger au vainqueur sa demande, loyal d’imposer au vaincu la confusion de sa défaite, au risque de légitimer le vol et de glorifier l’assassinat. C’est, sans doute, à cette jurisprudence étrange qu’il faut attribuer le cri d’indignation de M. de Girardin : La guerre, c’est l’assassinat ; la guerre, c’est le vol.

M. de Girardin pouvait défier les foudres du parquet ; il avait pour lui les maîtres de la doctrine et leurs définitions.

Mais la conscience du genre humain proteste contre ces théories autant que contre ces injures. Non-seulement elle affirme la réalité du droit de la guerre, mais encore elle sait fort bien, le cas échéant, en décliner l’application et protester contre ce qu’elle nomme alors abus de la force, absolument comme, devant les tribunaux ordinaires, le plaideur sait décliner la juridiction devant laquelle il est appelé sans pour cela nier la justice ; s’inscrire en faux contre un témoignage, sans pour cela nier l’utilité de la preuve par témoins ; protester contre un abus de propriété, sans pour cela nier la propriété.

La conscience universelle, dis-je, affirme la réalité du droit de la guerre, et la compétence, pour certains litiges, d’une juridiction de la force. Sur ce droit et sur cette compétence se sont établis, comme sur un fondement solide, les rapports internationaux, et progressivement tout le système du droit civil et politique. Et c’est en vertu de la réalité du droit de la guerre, en vertu de la compétence d’une juridiction de la force, que les deux règles de Vattel, purement fictives dans son système du droit volontaire et destructives de toute morale, redeviennent d’une vérité rigoureuse :