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phique ; brochez sur le tout cette théorie qui se croit profonde et n’est que niaise, selon laquelle le droit naît du devoir, lequel à son tour devra naître du droit, s’il est vrai, comme dit Vattel, que nous n’ayons reçu des droits que pour nous acquitter de nos devoirs… ; et vous pourrez vous faire une idée de l’appareil compliqué au moyen duquel la jurisprudence essaye de rendre compte de ce qui, dans la raison des masses, coule de source, le droit de la guerre, la raison de la force.

Mais laissons la parole aux auteurs. Nous savons en quoi consiste le droit des gens volontaire, et nous avons vu, par un exemple, en quel cas il devient applicable. Maintenant, que dit ce droit ? Quelles sont, relativement à la guerre, ses maximes, ses formules ?

Vattel le résume en deux règles fondamentales :

La première, que la guerre en forme, quant à ses effets, doit être considérée comme juste de part et d’autre ;

La seconde, que tout ce qui est permis à l’un est permis à l’autre.

En vertu de la première règle, la conquête se légitime. « En principe, dit Vattel, il n’est permis au vainqueur, après une guerre juste, de s’approprier que ce qui lui revient de droit naturel, ou qui est indispensable à sa sûreté et à la compensation de ses dépenses ; quant au vainqueur dans une guerre injuste, la conquête qu’il se permet est un crime de plus. Mais, attendu que les nations n’ont pas de tribunaux, et que les deux puissances belligérantes doivent être présumées également en droit, on admet, en vertu du droit des gens volontaire, que dans une guerre en forme toute acquisition est valide, indépendamment de la justice de la cause : c’est pour cela qu’entre les nations la conquête est un titre légitime. »

De la seconde règle se déduit cette conséquence, qu’un état vaincu à la suite d’une agression injuste n’est pas-