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l’occurrence, certaines prescriptions ou concessions, injustes de par le droit naturel, mais devenues, dans la pratique des nations, indispensables. — Selon Vattel, ce même droit résulte de ce que les nations étant indépendantes et souveraines, ne pouvant réciproquement s’arguer de faute, ni se convaincre, ni se contraindre, elles sont obligées de se passer mutuellement certaines choses plus ou moins irrégulières, de se faire certaines concessions plus ou moins fâcheuses, en vue de prévenir de plus grands malheurs.

Il importait de relever ici, comme l’a fait Vattel, la souveraineté et l’indépendance respectives des états. Du reste, sa théorie du droit des gens volontaire est la même que celle de Wolf. En effet, soit que les concessions internationales, dont l’ensemble constituerait ainsi le droit de gens, résultassent de la fiction d’une cité supérieure qui les leur impose, ou de leur résignation à les subir, toujours est-il que, selon les deux auteurs, il existerait sur les nations, en dehors des prescriptions directes et positives de la conscience, des conditions malheureuses, résultant de leur antagonisme, mais que leur intérêt bien entendu les contraint de subir et qui deviennent pour-elles le principe, l’occasion ou la matière d’une sorte de droit. Ce droit est appelé volontaire, non qu’il prenne sa source dans la volonté libre des nations, mais parce qu’il est un effet de leur subjectivité antagonique, laquelle évidemment n’est rien moins que libre, mais qui, se faisant de nécessité vertu, accepte la loi de son malaise comme une émanation de sa volonté.

Un exemple rendra cela plus clair.

Deux communes, deux cités, sont fondées simultanément, à quelques kilomètres l’une de l’autre. Dans les limites de leurs territoires respectifs, ces deux communes sont indépendantes et souveraines. Chacune forme un être collectif, une personne morale, régie, à priori, par le droit naturel.