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C’est quelque chose assurément d’avoir fait entendre et d’avoir développé avec éloquence cette vérité ; malheureusement elle ne touche pas à la question. Il ne s’agit point de la manière dont se feront les exécutions militaires ; il s’agit du droit qui les provoque, qui les motive, et qui en est le produit. La législation pénale a subi aussi l’influence de l’humanité : on a fait disparaître la torture, les supplices recherchés ; on parle d’abolir la peine de mort. Mais la peine, quelle qu’elle soit, la peine reste, de l’avis de tout le monde, un fait juridique : d’où l’expression, rigoureusement juste, de droit pénal. Par analogie, on demande en quoi et pourquoi la guerre est un fait juridique : d’où s’ensuivrait logiquement alors l’idée d’un droit guerrier. Or, il est évident que les explications de Grotius n’effleurent même pas la difficulté. Elles ne nous disent point en quoi la guerre peut être, de sa nature, une manifestation du droit, un acte de juridiction ; elles en contiennent, au contraire, à tous les points de vue, la réprobation formelle. Il suit seulement „dc ces explications, notons-le bien, que les actes d’humanité accomplis en temps de guerre sont des exceptions à la guerre ; que si les hommes étaient justes, il n’y aurait même pas de guerre : ce qui aboutit nettement à ceci, que la guerre est une exception a la justice, provoquée par une violation du droit.

En fait, le droit de la guerre, selon Grotius, est le respect de l’humanité ; en théorie, ce n’est pas autre chose que ce que les grammairiens appellent une antiphrase. Il serait ridicule d’induire d’une semblable location que la guerre comporte de soi, comme le mariage, le travail, l’association, la propriété, le gouvernement, comme toute manifestation de l’être humain, individuel ou collectif, une série de conditions obligatoires ; en autres termes, que la guerre est matière de déterminations juridiques et de prescriptions légales.