ne craignons pas de le dire, car nous n’aurons pas à en rougir, a ce culte de la force qu’il faut faire remonter la création de tous les rapports juridiques reconnus parmi les hommes : d’abord, les premiers linéaments d’un droit de la guerre et d’un droit des gens ; puis, la constitution des souverainetés collectives, la formation des états, leur développement par la conquête, l’établissement des magistratures, etc. On nie le droit de la force ; on le traite de contradiction, d’absurdité. Qu’on ait donc la bonne foi d’en nier aussi les œuvres ; qu’on demande la dissolution de ces immenses agglomérations d’hommes, la France, l’Angleterre, l’Allemagne, la Russie ; qu’on attaque ces puissances, qui certes ne sont pas sorties tout armées des énergies de la nature, et qu’aucun sophisme ne saurait faire relever d’un autre principe que de la force.
On le voit : c’est de la constitution même de la société, c’est de la civilisation tout entière qu’il s’agit sous cette formule, encore si peu comprise, de droit de la guerre, droit de la force. À ces considérations d’une gravité si haute, que peut objecter l’école ?
De bouche, l’école parle comme tout le monde : elle reconnaît un droit de la guerre. Au fond du cœur, elle le nie ; et toutes ses réserves, toutes ses théories démontrent qu’elle n’y croit pas. Le droit de la force n’est pas un droit : tel est, parmi les docteurs, le sentiment unanime, invariable. Quant à l’hypothèse, sous-introduite au moyen âge, qui tendrait à faire de la guerre, à la façon de l’ordalie ou combat judiciaire, une manifestation de la volonté du ciel, il va sans dire que Grotius et ses successeurs la rejettent. En quoi ils ont raison : ce n’est pas en ce sens que le sentiment des peuples entend le droit de la guerre.
Mais, si le droit de la force n’est pas un droit, qu’est-ce que l’école appelle alors droit de la guerre ? Comment explique-t-elle, justifie-t-elle la formation des états, l’éta-